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laureficquelmont

La petite histoire des TCC : la première vague et l’approche comportementale

Dernière mise à jour : 11 août 2022


Cet article inaugure une série de 3 articles sur l'histoire et le développement des TCC.

Certains termes seront parfois techniques .

Bonne lecture !


Les TCC une loi ?


On entend souvent dire que les thérapies comportementales et cognitives reposent sur des lois.

Mais quelles sont ces lois ?

Comment la découverte de ces lois a permis l’émergence des thérapies comportementales et cognitives ?

Et comment ces lois se retrouvent dans notre quotidien ?


« Nous sommes automate autant qu'esprit »

Pascal, Pensées (§ 252)


Les thérapies comportementales cognitives reposent sur les principes du conditionnement


En réalité lorsqu’on se réfère au terme de loi on entend, ici, non pas le sens juridique mais un principe général qui serait déterminant dans le fonctionnement du comportement.


En effet, nos comportements découlent de nombreuses « conditions ».

Dans les thérapie comportementales et cognitives, le "conditionnement" désigne donc soit un type d'apprentissage, soit les conditions qui favorisent l'apparition, le maintien ou la disparition d'un comportement.


Pour mieux comprendre le conditionnement, ses fonctions et ses déterminants il nous faut revenir à l’origine aux découvertes scientifiques qui ont initié les TCC.

C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.


La découverte de Pavlov : conditionnement répondant & extinction (dit aussi conditionnement associatif ou de type 1 ou pavlovien)


Bien qu’on retrouve des prémisses des TCC depuis l’antiquité (avec notamment des tentatives d’utilisation de l’exposition à des fins thérapeutiques) la première vague des TCC apparaît à la suite de la formidable découverte de Pavlov dans les années 1890.


ivan Pavlov

A cette époque, Pavlov étudie le système digestif des chiens.


Pour ce faire, il mesure la quantité de salive produite lorsque le chien s’apprête à manger et observe que celle-ci augmente avant même que le chien commence à manger. Ainsi, la simple vue, ou odeur du repas génère chez le chien une augmentation de la salive.

En effet, la présentation de la nourriture entraine une réaction de salivation chez le chien. On dit alors que la salivation est une réponse inconditionnelle du chien car elle est innée et physiologique.

Faites l’expérience : un jour ou vous avez faim respirez le fumet du repas et regardez un met qui vous fais envie. Vous noterez que vous commencez à saliver à la simple vue ou à l’odeur du plat!


C’est ainsi que les industriels, qui ont bien compris les principes du conditionnement, ont élaborés des parfums tels que celui de l’odeur du pain chaud qu’ils diffusent dans les centres et autres galeries commerciale pour nous faire saliver et … acheter !


Revenons à nos moutons ou plutôt à nos chiens... Dans cette expérience de Pavlov donc, la viande est un stimulus inconditionnel car elle génère une réponse inconditionnelle chez le chien : la salivation.


Le son du métronome lui, est un stimulus neutre car il n’entraine, au départ, absolument aucune réaction chez le chien.


Cependant (et c’est là que cela devient intéressant ☺) c’est que dès lors qu’on présente le métronome en présence de la viande de manière répétée, le chien se met à saliver par la suite à la simple présentation du métronome en l’absence de viande.


Le chien a donc associé la présentation du métronome à celle de son repas !


Le métronome est donc passé d’un stimulus neutre ne provoquant aucune réponse à un stimulus conditionnel suite à l’association répétée avec la viande. La réponse de salivation du chien en la simple présence du métronome devient une réponse conditionnée.


On a donc la séquence de conditionnement répondant qui suit :


1. VIANDE = SALIVATION

2. METRONOME SEUL = RIEN

3. VIANDE + METRONOME = SALIVATION

4. METRONOME SEUL = SALIVATION


Pavlov aura donc découvert accidentellement que si on présente la viande au son du métronome de manière répétée se crée chez les chiens un conditionnement répondant associant le métronome au repas.


Nos apprentissages ne seraient donc que le résultat d’association entre différents stimuli ou différents évènements?


Mais que se passe t’il si par exemple notre métronome est cassé et qu’on présente donc à nouveau uniquement la viande ?


Si le son du métronome n’est pas suivi pendant plusieurs essais de son repas, le chien vas comprendre que le fait d’entendre le métronome n’est plus prédictif de l’arrivée de son repas; il vas donc arrêter de saliver au son du métronome.


La réponse qui était alors conditionnée avec le son du métronome diminue puis s’arrête : le chien ne salive plus au simple son du métronome.

On parle alors d’extinction.


L'extinction est un phénomène comparable à l'habituation qu'on utilise beaucoup en thérapie comportementale et cognitive notamment dans le cas de l'exposition. C'est ce qui nous permet d'abandonner des comportements devenus inadéquats

Nous pouvons donc diminuer nos réactions inappropriées, en nous confrontant aux situations jusqu’à ce que la peur s'atténue ou disparaisse.


Suite à cette découverte, de nombreuses recherches sont initiées sur le conditionnement. Des scientifiques comme Watson et Rayner mais aussi comme Skinner ont contribué à l’essor du béhaviorisme.


Watson & Rayner : la généralisation


Après avoir conditionné une peur d’un rat chez Albert un petit enfant*** , Watson et Rayner observent que l’enfant se met à craindre tout ce qui se rapproche des près ou de loin à de la fourrure comme la fourrure du rat (manteau, lapin, barbe du père noël …etc), c’est ce phénomène qu’on appelle la généralisation : la peur s’est étendue à une catégorie d’objet présentant des caractéristiques similaires à la peur de base.


par exemple : si j'ai eu très peur en voiture je pourrais me mettre à avoir peur dans tous les moyens de transports roulants ou dans tous les espaces clos ...


*** Effrayer les enfants: un sujet d’études accepté dans les années 1920 … en effet cette étude est non seulement controversée car comprenant de nombreux biais méthodologiques mais évidemment pas éthique !



Marie Cover Jones et l’expérience réussie de déconditionnement de la phobie de Peter


Elève de Watson à new York dans les années 1920, Marie Cover Jones rencontre Peter, un petit garçon de 2 ans, qui à une phobie des lapins blancs.


Elle décide donc, sur la base des travaux sur le conditionnement, de tenter de déconditionner la peur de Peter concernant les lapins blancs.





Peter est alors placé dans une salle de jeu avec des camarades sur une chaise haute dans situation agréable (stimulus inconditionnel) à savoir déguster des biscuits et un verre de lait (réponse inconditionnelle de détente) en présence du lapin blanc.


Au fil du temps, le lapin est présenté de plus en plus près de Peter. 17 séances auront été nécessaires pour que Peter n’ait plus peur et puisse même jouer avec le lapin !



Mais que s’est il passé ? les biscuits étaient-ils magiques ????



A priori non, pas de magie dans tout cela si ce n’est celle du conditionnement.

Les sensations agréables et de détente (réponses inconditionnelles) liées aux biscuits et au verre de lait (stimulus inconditionnel) ont progressivement étés associées à la présence du lapin.

Le lapin blanc qui était, au départ, générateur de peur devient, par cette nouvelle association avec les biscuits et le verre de lait, un stimulus entrainant une nouvelle réponse de calme et de détente.


Cette expérience est à la base de la désensibilisation systématique qui consiste à associer à un stimulus anxiogène une sensation de détente et de calme venant contrer celle de peur.


Au moment de son expérience, Marie Cover Jones pensait que la seule association nourriture agréable + lapin avait permis de déconditionner la phobie. Nous verrons plus tard qu’il est possible que d’autres facteurs soient rentrés en compte.


Skinner et le conditionnement opérant


B.F. Skinner faisant suite aux travaux d’Edward Thorndike vas montrer (grâce à des expériences impliquant des boites et des pigeons notamment) que nos comportements sont conditionnés en terme de probabilité.


Si il y a une probabilité pour que mon comportement m’apporte quelque chose et bien alors je réitère le comportement. A l’inverse, si il y a une probabilité pour que mon comportement soit néfaste et me desserve alors j’arrête le comportement.


L’individu sélectionne donc après avoir testé dans son environnement les opérations qui lui sont favorables.


« Dans une large mesure, l'individu apparaît comme l'artisan de sa propre destinée. Il est souvent capable d'agir sur les variables qui l'affectent. »

Skinner, Science and human behavior (1953: 228)


Lorsque la conséquence d’un comportement est agréable pour une personne, elle cherchera à réitérer son comportement. On va donc dire que le comportement est renforcé.

Le terme « renforcement » indique qu’un comportement est rendu plus « fort ».

Il peux être renforcé positivement c’est à dire par l’ajout de quelque chose d’agréable comme par exemple :

- si je suis sage à l’école j’aurais un bon point= le fait d’être sage est renforcé par l’ajout d’une récompense ( le bon point)

- si je me lève tôt je pourrais profiter du lever du soleil= le fait de se lever tôt est renforcé par la perspective de voire les lueurs de l’aube

- si je finalise ce contrat dans les temps je recevrais une prime= le fait de travailler dans les délais imparti est renforcé positivement par l’argent supplémentaire qui vas en découler


Dans l’expérience (citée plus haut) de M Cover Jones avec le petit Peter, les friandises ont pu jouer le rôle de « renforçateurs ». En effet, Peter recevait de la nourriture très appréciée dès qu’il était en présence du lapin.


Plus il acceptait de rester près du lapin, plus le temps passé à déguster sa nourriture préférée augmentait. Les biscuits jouent donc le rôle de «renforçateur positif »: on ajoute quelque chose de positif à la situation (les biscuits) qui donne envie à Peter de continuer à se tenir bien sage sur sa chaise haute en regardant le lapin blanc permettant donc à l’expérience de porter ses fruits (pour changer des biscuits ☺)...


Notre comportement peut également être renforcé négativement, c’est à dire par le retrait de quelque chose de désagréable à la situation comme par exemple :

- si je suis sage à l’école aujourd’hui je n’irai pas au coin = le fait d’être sage est renforcé négativement par le retrait des punitions aversives

- si je me lève tôt je n’aurais pas besoin de prendre le bus et de courir pour aller à mon rdv= le fait de se lever tôt est renforcé négativement par le retrait de la précipitation matinale et des transports en commun

- si je finalise ce contrat dans les temps je n’aurais plus cette charge de travail qui m’angoisse = le fait de travailler dans les délais nécessaire est renforcé par le retrait de la charge de travail et de l’angoisse qui en découle.


C’est aussi ce renforcement négatif qu’on retrouve à l’œuvre dans de nombreuses situations en thérapie sous le phénomène de l’évitement.


Et comme son nom l’indique le fait que ce soit un renforcement conduit inévitablement à augmenter la probabilité d’apparition du comportement.


Par exemple, si j’ai peur des araignées, je ressens de l’angoisse lorsque je vois une araignée et donc j’évite au maximum de croiser des araignées. Où si, par malchance j’en croise une, je demande à mon entourage de l’éloigner au plus vite. Faisant cela je cherche à faire disparaître, au plus vite, l’émotion de peur suscitée par la vue de l’araignée. En évitant les araignées je réduit donc mon anxiété et par ce biais je renforce la probabilité que j’éviterai encore plus la prochaine fois pour ne pas ressentir d’anxiété et ainsi de suite. C’est par ce renforcement négatif que mon comportement d’évitement se maintien.


Certains comportements peuvent être renforcés d’abord positivement puis ensuite négativement.


Par exemple dans l’alcoolisme, le fait de boire de l’alcool pourra dans un premier temps être renforcé positivement (détente gout agréable coté social) puis dans un second temps négativement pour faire taire la sensation de manque .


En revanche, lorsque la conséquence d’un comportement est négative pour un individu, le comportement tend à disparaître. C’est le principe de la punition.


La punition consiste à ajouter ou retrancher un stimulus ayant pour conséquence la baisse de ce comportement.

La punition positive consiste à ajouter un stimulus désagréable à la suite d’un comportement que l’on veut voir diminuer tandis que la punition négative consiste à retirer un stimulus agréable à la suite d’un comportement que l’on souhaite diminuer.


Par exemple:

- si je ne suis pas sage à l’école, je devrais rester plus tard que mes copains pour ranger la classe (ajout du stimulus désagréable) et je n’aurais plus le temps d’aller jouer au parc (retrait du stimulus agréable)

- si je me lève en retard demain je devrais me dépêcher et prendre le métro au lieu de marcher (ajout du stimulus désagréable) et n’aurais pas le temps de prendre un petit déjeuner (retrait du stimulus agréable)

- Si je rends ce contrat trop en retard mon patron va me convoquer et s’énerver (ajout du stimulus désagréable) et je devrais renoncer à ma prime (retrait du stimulus agréable)


La punition bien que souvent utilisé dans l’éducation est pas idéale. En effet elle n’indique pas le comportement correct attendu, et en son absence, le comportement indésirable risque de réapparaitre. Il sera donc toujours plus avantageux en tant que parent de renforcer les comportements que vous souhaitez voir se développer chez votre enfant !


Bandura et l’apprentissage social


Albert Bandura est un psychologue canadien qui a développé la notion d’apprentissage social.


Il observe que nous apprenons beaucoup de nos comportements en observant et en imitant ceux de nos congénères et les contextes dans lesquels ils se produisent. Ce type d'apprentissage nous fait gagner un temps considérable et nous permet d'éviter de nombreux dangers.


Il se situe à la jonction entre la première vague des TCC axées sur le courant béhavioriste et la deuxième vague qui s’annonce avec le courant des cognitivistes.


En effet, il considère que 3 composantes sont en interaction constante : la personne, le comportement et l’environnement. Ces composantes influent réciproquement les unes sur les autres. C’est le déterminisme réciproque.


Determinisme réciproque selon Bandura
déterminisme réciproque

Dans les années 1960, il réalise des séries d’expérience autour de la célèbre poupée BOBO et démontre que nous apprenons nos comportements également via notre environnement social.

Nous pouvons ainsi apprendre ou modifier notre comportement en observant ou en imitant ceux des autres: c’est l’apprentissage vicariant ou social.


Par exemple :


Si nous reprenons l’expérience de Mary Cover Jones avec Peter et qu’on regarde sous l’angle de l’apprentissage social…

En observant que les autres enfants jouent avec le lapin et qu’il ne leur arrive aucun mal, voire même qu’ils en sont joyeux, Peter acquière un nouveau comportement venant contrer son ancien comportement de peur, il a fait l’apprentissage social d’un nouveau comportement.




Nous avons donc passé brièvement en revue les différentes étapes qui ont permis l’essor du courant béhavioriste, fondement des Thérapies Comportementales & Cognitives.


Dans cette première étape l’accent a été principalement mis sur l’étude des comportements. Les formidables découvertes scientifiques qui ont vu le jour ont permis le développement des thérapies comportementales.


Ces étapes font partie de ce qu’on nomme aujourd’hui la première vague des TCC.





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